ANALOGUE ET DIGITAL

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ANALOGUE ET DIGITAL

ANALOGUE & DIGITAL

Ces deux termes sont nés dans les années cinquante à l’intérieur d’un champ de recherches alors en pleine création: la théorie des automates, la cybernétique, la science de la transmission de l’information, de sa codification et de sa programmation, etc. Ils ont été proposés pour définir deux modalités de conception des machines informationnelles.

À proprement parler, cette distinction correspond à deux types de calculateurs artificiels. Comme exemple de fonctionnement analogue on peut donner la règle à calcul et comme exemple de fonctionnement digital la «calculette». Dans les deux cas un calcul est possible et une information accessible, mais celle-ci est obtenue à partir de conceptions très différentes dans les moyens de l’actualiser: dans le cas de la règle à calcul, c’est le jeu de glissement des deux curseurs et l’interrelation entre les trois parties qui va permettre d’obtenir une réponse, par exemple à un calcul de logarithme; dans le cas de la calculette, le résultat s’obtient grâce à un jeu de touches numériques et opératoires suivi d’un affichage de la réponse. Derrière les deux manipulations une différence constitutive se montre: dans le premier exemple, un déplacement réel, physique, une comparaison des grandeurs positives adéquatement graduées permet le calcul analogue; dans le second, une programmation de données discrètes, numériques, où il n’existe aucune relation d’analogie entre la matérialisation de ces données et l’information reçue, assure le calcul digital. Un deuxième exemple le montre encore mieux, bien qu’il déborde déjà le cadre strict des «machines à calculer». Un sablier est un appareil de mesure du temps, le sable qui s’écoule du compartiment supérieur au compartiment inférieur est une image physique et un processus analogue à l’écoulement du temps. De même, dans les horloges ou les montres à cadran, la course circulaire des aiguilles, mue par tout un système de rouages et une source de mouvement (poids, ressort, etc.), est un mouvement analogue à cet écoulement. En revanche, les montres dites «digitales» ne présentent aucune relation de similitude entre le processus matériel qui assure le fonctionnement et l’information transmise. Cette différence apparemment triviale porte des conséquences théoriques insoupçonnées et difficiles, et par-delà des enjeux philosophiques fondamentaux.

Tout d’abord, elle permet d’intégrer dans une vision unitaire non seulement tous les calculateurs, mais généralement les conceptions de tout type de machines: machines arithmétiques analogiques, telles celle de Pascal (machine à additionner), celle de Leibniz (machine à multiplier) ou celle de Babbage (machine analytique); l’homéostat d’Ashby, le régulateur à boule de Watt, le perceptron de S. Papert, les métiers à tisser à cartes perforées, les automates (Salomon de Cos, Vaucanson...), etc. Bref, toutes les machines deviennent comparables sur le plan de la programmation, de la transmission et de la précision de l’information.

Ensuite, les fonctionnements de ces deux registres de machines à information sont si différents que la question de leur synthèse ou d’une conversion de l’un dans l’autre est une des plus difficiles dans la conception des calculateurs. D’une façon schématique, les caractéristiques qui les séparent sont les suivantes. Premièrement, sur le plan de la constitution des systèmes analogues, les «pièces» ou blocs fonctionnels analogues à un processus de calcul ou de mesure sont des quantités physiques réelles: longueur d’une réglette, grandeur d’un engrenage, variation d’intensité d’un courant électrique, variation de résistance, etc. On peut tenter de rendre la précision sur ces quantités de plus en plus fine, par exemple en rendant plus complexe le jeu d’engrenages ou bien le circuit électrique, afin d’approcher un calcul de plus en plus exact. Toutefois, il ne peut s’agir toujours que d’un système imprécis: les grandeurs et processus physiques correspondent « grossièrement» aux calculs. Sur le plan du fonctionnement, les systèmes analogues augmentent encore leur imprécision. Les «jeux» ou «bruits» étant inéliminables et se renforçant les uns les autres, il est difficile d’évaluer les marges d’erreur. Deuxièmement, la constitution des systèmes digitaux va au contraire permettre une précision parfaite, à la limite une marge d’erreurs et d’approximations parfaitement contrôlée. L’information transmise est cette fois strictement univoque. Mais elle ne l’est que dans les bornes de programmation et de capacité de traitement d’information de la machine.

Un des aspects principaux de la différence entre analogue et digital a des conséquences théoriques d’une portée extrêmement générale (ce sont elles qui ont permis un transfert de ce modèle dans les domaines les plus divers): il est relatif à la notion de négation . Les systèmes analogues reposent sur des processus physiques continus , et en ce sens leur fonctionnement ne peut jouer que sur des quantités positives . Il n’y a pas de possibilité d’affecter négativement une grandeur physique, ou si l’on veut, d’exprimer analogiquement une contradiction. Il n’y a pas de « non-processus» physique. Tout au contraire, les systèmes digitaux, indifférents par rapport au support de l’information, sont capables d’opérer à partir du discontinu , et donc sont à même de traiter des faits négatifs . Ils peuvent s’adjoindre et intégrer toute la richesse logique de la négation. Ainsi, les travaux de Mac Culloch et Pitts ont montré que les seize connecteurs de vérité du calcul des propositions («p et q », «p ou q », «p implique q », «p identique à q », «ni p ni q », etc.) se laissent représenter dans une algèbre binaire (ou algèbre de Boole) à partir d’un réseau sémantique en termes de «tout ou rien» (un événement « présence de courant électrique» sera équivalent à la proposition « p », et l’événement contradictoire «absence de courant électrique» signifiera la proposition «non-p »). Le «ou» logique sera ainsi une bifurcation en Y, le «et» logique sera une réunion inverse en. L’immense avantage de ce dernier type de systèmes artificiels est de correspondre à la structure logique des propositions de notre langage et de respecter les principes logiques du tiers exclus, de la non-contradiction et de l’identité. En ce sens, il est permis de penser que l’expression analogue/digital vient préciser à travers des référents mécaniques la polarité traditionnelle analogique/logique, qui de proche en proche résonne en de nombreux aspects de la connaissance humaine, notamment la question de deux types de pensée: pensée muette, imageante, holistique, gestaltique, intuitive, globalisante, traitant poétiquement l’information, et une pensée discursive, analytique, conceptuelle et séquentielle, critique, reposant sur un travail de distinction et traitant syntaxiquement l’information.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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